ARMEFLHOR
1, Chemin de l’Irfa, Bassin Martin – 97410 Saint-Pierre – La Réunion
Tél : 0262 96 22 60

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Potentiel de la technique de l’insecte stérile (TIS) pour lutter contre Bactrocera dorsalis à La Réunion (GemDoTIS)

Au sein de l’UMT Biocontrôle en agriculture tropicale associant l’Armeflhor, le Cirad et la biofabrique La Coccinelle, la stratégie de l’insecte stérile est étudiée dans le cadre de la lutte contre Bactrocera dorsalis.

(c) Yannick Ah Hot/Armeflhor-UMT BAT

Cette méthode de lutte vise à diminuer les populations de mouches en lâchant des mâles stériles dans l’environnement. Ces mâles vont entrer en compétition avec les mâles sauvage pour la reproduction, mais ne vont pas donner de descendance. Les études réalisées par l’UMT sur la TIS sont rassemblées au sein de projet GEMDOTIS (GEstion Multi-échelles du ravageur invasif Bactrocera dorsalis sur manguier à La Réunion, incluant la Technique de l’Insecte Stérile), dont l’objectif est d’évaluer la combinaison de leviers de biocontrôle (dont la TIS) des mouches des fruits. Ce projet prend fin en 2022 mais les études visant à mettre en place la TIS seront poursuivies au sein du projet AttracTIS, qui débute en 2023. En plus de la TIS, un axe du projet portera sur l’étude de nouveaux attractifs de femelles B. dorsalis. Les différents sujets étudiés ont fait l’objet de quatre présentations lors de la journée de restitution des travaux de l’UMT BAT le 1 septembre 2022 (voir notre actu Lutte contre les mouches des fruits : les méthodes de biocontrôle étudiées par l’UMT BAT).

 

  • Présentation n°1 : Moyens de lutte et de contournement vis à vis de la mouche des fruits Bactrocera dorsalis : un état des pratiques à Grand Fond (JM. Barbier, INRA, UMR Innovation)

Afin de préparer au mieux la mise en place de la TIS, une enquête a été menée auprès de producteurs de mangues de la zone de Grand Fond (St Gilles) et des acteurs de la filière réunionnaise. Cette enquête a recensé les différentes pratiques mise en place pour la lutte contre B. dorsalis en fonction notamment du type d’exploitation. De plus, l’avis des producteurs et des acteurs de la filière sur la TIS a été récolté.

Dans la lutte contre B. dorsalis, plusieurs éléments peuvent justifier le déploiement d’une stratégie TIS, parmi ceux-ci, citons : les coûts économiques et sociaux engendrés par les dommages provoqués par l’insecte, l’absence d’autres moyen de luttes à coûts raisonnables et à faible impact environnemental, les risques d’exportation du ravageur. Pour que la TIS soit le plus efficace possible, un grand nombre d’acteurs doivent se coordonner (Figure 1).

Figure 1 : Ensembles des acteurs jouant un rôle dans la réussite d'une stratégie TIS

Les résultats présentés ici sont focalisés sur les producteurs, ils visent notamment à évaluer les dégâts subis depuis l’invasion de B. dorsalis, les méthodes de lutte mises en place, les adaptations réalisées par les agriculteurs et les perspectives envisagées.

Sur la saison 2020/21, les pertes estimées par les producteurs vont de 10 à 70 % avec une médiane à environ 30%. Les dégâts observés ont notablement baissé depuis 2017/18, selon les enquêtés, cette amélioration de la situation est due : (1) aux mesures de prophylaxie mises en place, (2) au piégeage au méthyl-eugénol, (3) au climat, même si les effets des pratiques et du climat sont difficilement séparables. Ainsi, malgré la pression exercée par la mouche des fruits sur les vergers, il n’y a pas de réel désenchantement des producteurs vis-à-vis des manguiers. En effet, une continuité est observée dans les replantations, qui sont cependant repensées pour limiter l’impact du ravageur.

Une des problématiques causés par B. dorsalis pour les agriculteurs est le fait qu’elle vienne s’ajouter à un cortège de bioagresseurs déjà présents dans les vergers. Mais la mouche des fruits intervenant en fin de cycle de production, elle peut potentiellement anéantir tous les efforts effectués durant la période de production pour limiter les dégâts des autres ravageurs. De plus, d’autres bioagresseurs comme la bactériose et l’anthracnose peuvent faciliter l’installation des mouches, en fragilisant la peau des fruits.

Figure 2 : les ravageurs du manguier par ordre de préoccupation (nombre d’agriculteurs classant le ravageur au-delà de la note de 2 sur une échelle de 0 à 5)

Plusieurs moyens de lutte contre la mouche des fruits ont été testés et mis en place depuis 2018 (prophylaxie, récolte anticipée, piégeage, Sinéis appât…). Trois grandes stratégies de lutte, combinant différemment les méthodes à disposition, ont été identifiés lors de cette enquête :

  • 1 : Piégeage (méthyl-eugénol) réduit (utilisé pour la surveillance) et lutte chimique raisonnée au sinéïs appât, ramassage des petits fruits et taille prophylactique, pas de récolte anticipée. Cette stratégie représente plus d’un quart des exploitations enquêtées, plutôt de grandes surfaces, en coopérative et diversifiées mais avec une forte importance de la mangue dans le chiffre d’affaires.
  • 2 : Piégeage (méthyl-eugénol) « étendu » et plus systématique augmenté d’autres pièges artisanaux et renforcé par une lutte chimique (Sinéis appât), prophylaxie (ramassage des petits fruits, taille) moins élaborée, pas de récolte anticipée. Cette stratégie représente environ la moitié des exploitations enquêtées, avec des surfaces petites a moyennes, indépendantes et peu diversifiées.
  • 3 : Lutte prophylactique prioritaire (surveillance, ramassage des petits fruits), peu d’usage de produits (méthyl-eugénol en petite quantité, pas d’autres produits), récolte anticipée. Cette stratégie représente moins d’un quart des exploitations enquêtées, avec plutôt de petites surfaces, indépendantes et très diversifiées.

Les résultats de cette enquête permettent également d’identifier les questions que se posent les producteurs vis-à-vis des mouches des fruits et d’évaluer la compatibilité des pratiques mises en place avec la stratégie TIS, qui semble très attendue par les producteurs.

Contact : jean-marc.barbier@inrae.fr

 

  • Présentation n°2 : Bioécologie : acquisition des données biologiques, premiers lâchers (L. Moquet, Cirad, UMR PVBMT)

 

Pour mettre en place la TIS contre B. dorsalis à La Réunion de façon efficace, plusieurs questions doivent être répondues. Le niveau des populations résidentes et leur gamme d’hôte doivent être caractérisés, la dispersion des mâles dans l’environnement doit être évaluée et les comportements d’accouplement des mouches doivent être étudiés afin de s’assurer de la compétitivité des mâles stériles.

Caractérisation de la gamme d’hôtes :

Pour déterminer la gamme d’hôtes de B. dorsalis des collectes de fruits ont été faites dans la zone de Grand-Fond (St Gilles). Plus de 4500 fruits de 54 espèces différentes ont été récoltés et leur infestation par les mouches des fruits a été déterminée. Au total, 30 plantes hôtes de mouches des fruits ont été mises en évidence, dont 26 hôtes de B. dorsalis.

Pour l’étude des comportements d’accouplement et de dispersion, des individus stériles élevées et stérilisées par la FAO/AIEA à Vienne (Autriche) sont utilisés. La qualité de chaque lot d’individus stériles reçu est contrôlée. Pour cela, le taux d’émergence, la survie, la proportion d’individus capables de voler, le sexe ratio et surtout la fertilité résiduelle sont mesurés. Les résultats montrent des taux d’émergence fluctuant grandement (de 0 à 50%) selon la durée du transport jusqu’à La Réunion. Au contraire, la fertilité résiduelle des individus stérilisés est plutôt constante : elle est de 0% pour les femelles (aucun œuf pondu) et de 0.03% pour les mâles

Comportement d’accouplement :

Pour étudier les comportements d’accouplement des mouches, des expérimentations en laboratoire et en grandes cages extérieures ont été mises en place (Figure 3). Des individus sauvages et des individus de laboratoire (fertiles et stériles) ont été étudiés. La proportion de femelles qui se sont réaccouplées et la durée de la période réfractaire (de 1 à 28 jours) ont été comparées selon le type de mâle proposé à la femelle pour le premier accouplement (Figure 3A). De plus, les différences de fréquences de réaccouplement des mâles ont été étudiées au cours d’une semaine selon le type de mâles (Figure 3B). Les mâles se réaccouplent sans période réfractaire, sans différence entre stériles et fertiles. Un faible taux de réaccouplement a été observé chez les femelles, y compris après un accouplement avec un mâle stérile.

Figure 3 : dispositifs utilisés pour l'étude du comportement d'accouplement

Dispersion :

Pour évaluer la dispersion des mâles stériles, cinq essais de marquage, lâcher et recapture ont été réalisés de septembre 2021 à juin 2022 dans la zone de Grand-Fond. Des mouches ont été marqués au stade pupe puis lâchés et recapturés grâce à des pièges contenant des attractifs (Figure 4). Entre 6000 et 15000 individus ont été lâchés et entre 1 et 7.5% des individus ont été recapturés. Des individus ont été retrouvés jusqu’à plus de 1200m de leur point de lâché. L’évaluation de ce paramètre est importante car il détermine notamment la densité de lâchers optimale pour assurer la réussite de la TIS.

Figure 4 : expérimentations de marquages, lâchers, recapture

En plus d’améliorer la gestion des mouches des fruits, les informations obtenues lors de ces études permettent d’évaluer la faisabilité de la TIS et de mieux calibrer sa mise en place.

Contact : laura.moquet@cirad.fr

 

 

  • Présentation n°3 : Cartographie des plantes hôtes (F. Chiroleu, Cirad, UMR PVBMT)

 

Dans la lutte contre B. dorsalis, des travaux de cartographie ont été effectués afin de mieux connaitre la répartition spatiale des plantes hôtes sur la zone étudiée (Grand Fond) et ainsi pouvoir estimer les zones à risques au cours du temps. De plus, les informations obtenues serviront à la modélisation de la TIS, pour optimiser les fréquences, les périodes et les endroits de lâchers ainsi que les quantités de mâles stériles nécessaires pour une lutte efficace.

Pour réaliser ces travaux, des photos aériennes de 2019 et des photos satellites de 2017 et 2020 ont été utilisées. Les informations sur la gamme d’hôte de l’insecte, obtenues grâce aux expérimentations décrites précédemment, ont été utiles pour prédire les foyers d’infestation. Les photos ont été traitées par segmentation puis classification automatique afin de découper la zone en fonction des différentes occupations du terrain (habitations, savane, vergers…), des passages sur le terrain ont été faits pour valider ou corriger les découpages.

Parmi les cartes qui ont ainsi pu être produites, une se focalise sur la zone de test de la TIS :

Figure 5 : carte des vergers de la zone de test TIS, avec chaque point de couleur représentant un arbre. Les polygones en jaune représentent du sol nu, ceux en ocre la savane.

Dans la zone représentée ci-dessus (Figure 5), tous les arbres sont référencés (principalement des manguiers) et représentés par un point. Les zones jaunes représentent le sol nu et les zones ocres la savane. Cette carte a servi à positionner les pièges de capture lors des essais de marquages, et capture des insectes stériles lors des tests de dispersion.

Les travaux de cartographie ne se sont pas focalisés uniquement sur les vergers mais aussi sur d’autres zones plus difficiles à catégoriser en termes de plantes hôtes.

Figure 6 : Cartes des zones, comme les jardins créoles (jaune), les haies (rouge) et les zones arborées (vert) autour des vergers de Grand Fond (turquoise), qui présentent des difficultés pour établir la liste des plantes hôtes présentes, alors qu’elles ont un impact certain sur la dynamique des mouches des fruits.

Sur cette carte (Figure 6), les vergers apparaissent en turquoise, les autres couleurs représentent des zones pour lesquelles la présence des plantes hôtes est plus difficile à établir précisément : en rouge les haies, en vert foncé les zones arborées et en jaune les jardins créoles. Ces zones sont importantes à repérer car elles sont composées d’une multitude d’espèces végétales, potentiellement hôtes de B. dorsalis et peuvent ainsi représenter des réservoirs pour le ravageur. Il est alors important d’établir une stratégie pour la prise en compte et la gestion de ces zones dans la lutte contre les mouches des fruits.

Les travaux de cartographie se poursuivent, notamment afin de maintenir les cartes à jour et de préciser les périodes de fructification dans la zone de Grand Fond. Les cartes et les données récoltées serviront ainsi à mettre en place une prédiction automatique des risques de « production de B. dorsalis » et pourront aider à la réflexion et la reparamétrisation des modèles de simulation de la TIS.

Contact : frederic.chiroleu@cirad.fr

 

  • Présentation n°4 : La modélisation mathématique et la simulation pour évaluer la faisabilité TIS et optimiser une stratégie de déploiement (Y. Dumont, Cirad, UMR AMAP)

 

Des modèles mathématiques ont été développés afin de simuler la mise en place d’une stratégie TIS et d’en étudier les paramètres cruciaux. Cela permet notamment d’évaluer la faisabilité de la TIS et d’identifier des critères qui devront être respectés avant son développement afin d’en garantir l’efficacité, une fois mise en place. Pour ce faire, le cycle de vie et de reproduction des mouches a, dans un premier temps, été modélisé selon le diagramme en Figure 7.

Figure 7 : Cycle de vie des mouches des fruits

Par la suite, en se basant sur le premier modèle et les interactions mâles/femelles sauvages avec mâles/femelles stériles, la stratégie TIS a été modélisée selon le diagramme suivant en Figure 8.

Figure 8 : Cycle de vie des mouches des fruits et impact de la stratégie TIS

Les modèles développés ont été analysés (mathématiquement) afin de déterminer des scénarios concrets de mise en place de la TIS, les paramètres importants à prendre en compte, et, surtout, d’en évaluer la faisabilité. Les résultats théoriques obtenus ont permis de déterminer, par exemple, le nombre minimal d’insectes stériles à relâcher, en fonction de la périodicité des lâchers, mais également d’estimer un seuil pour la fertilité résiduelle chez les mâles stériles pour assurer la faisabilité de la TIS. Ainsi, un des résultats obtenus, et un peu contre-intuitif, est que si la période réfractaire (entre deux accouplements) diminue chez la femelle fécondée par un mâle stérile, alors cela permet d’augmenter le seuil de fertilité résiduelle acceptable dans les populations de mâles stériles relâchées. Les modèles peuvent aussi intégrer d’autre modes de luttes comme les méthodes de piégeage mises en place (ou à venir), ou encore considérer le cas de lâchers de mâles et de femelles stériles (représentatif des populations actuellement à disposition).

Enfin, dans le cadre d’une action plus globale, à l’échelle d’une zone (comme celle de Grand Fond) ou d’une région, les modèles mathématiques permettront d’évaluer différentes stratégies de lâchers, prenant en compte la disposition (géographique) des différentes zones à traiter ou non, les flux de population de mouches entre ces zones, et, les zones qui seront traitées par TIS ou non.

Pour conclure, la modélisation, l’analyse mathématique, et la simulation numérique de la TIS permettent de tester de nombreux scénarios en amont de son utilisation, permettant ainsi aux experts un gain de temps et de ressources dans la mise en place de stratégies de contrôles optimales.

Contact : yves.dumont@cirad.fr

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